DFM Formations – Démarches Fonctionnelles et Micronutrition

Intolérant à tout, tolérant à rien, le point de vue de la santé fonctionnelle : Et si c’était les surrénales ? par Guénaëlle Abéguilé

En tant que praticien en micronutrition, j’imagine que vous rencontrez souvent des patients qui ne tolèrent plus rien ! « Je ne sais plus que manger, tout me rend malade ». Nausées, ballonnements, diarrhées, constipations, vomissements, maux de tête, fatigue, peu importe ce qu’ils ingèrent, plus rien ne passe, tout provoque souffrance et désespoir.

Ils cumulent alors tout type de régime d’éviction. Ils commenceront souvent par éliminer le gluten, ils ressentiront un soulagement, mais les troubles digestifs ne tarderont pas à revenir. Et si c’était le lactose ? Et c’est au tour de l’éviction des produits laitiers ! De la même façon après une période de répit, les troubles reviendront. Ils seront certainement de plus en plus fréquents et de plus en plus invalidants.  Surfant sur le net à la recherche de solutions, à la lecture des différents témoignages, ils chercheront L’aliment ou LE composant de l’aliment dont l’éviction fait des miracles. Et si c’était l’histamine ? Les lectines ? Les FODMAPs ? C’est ainsi que ces patients parviendront à éliminer un peu près tout de leur alimentation…

S’en suit de la fatigue liée aux carences provoquées par ces régimes toujours plus restrictifs, des dysfonctions métaboliques, endocriniennes, neuropsychiques, dysimmunitaires…

Ces patients en mode survie recherchent désespérément des solutions à leurs problèmes. En errance médicale, ils font partie des incompris de la médecine. C’est dans ce cadre qu’ils parviennent dans votre cabinet.

Que lui proposerez-vous pour le soulager ? Ne serait-il pas mieux sans oxalates ? Sans sulfites ? Allez-vous de nouveau leur proposer un énième régime d’éviction ? Des compléments alimentaires ? Vous remarquerez d’ailleurs que ces patients tolèrent généralement très peu de compléments.

Et si l’aliment n’était pas en cause ?

Avez-vous pensé à explorer les surrénales ?

Les surrénales sont des glandes endocrines qui sécrètent différentes hormones dont le fameux cortisol. Cette hormone couramment appelée « hormone du stress », car sécrétée en réponse au stress, est souvent perçue comme une hormone délétère.

Et pourtant le cortisol est l’hormone nous permettant de faire face au stress ! Il nous permet d’affronter toutes les situations la tête haute ! Ainsi, en cas de déficit de cortisol, nous ne sommes plus aptes à réagir face au stress, nous n’avons plus les ressources nécessaires pour le faire !  Cette situation se rencontre en cas de fatigue des glandes surrénales.

S’en suit une fatigue intense, des sensations d’épuisement, de confusion, un brouillard mental, une hypotension. Ces patients à bout de force ne parviennent plus à affronter les événements de la vie quotidienne. Le moindre imprévu, la moindre contrariété prend des proportions inimaginables, tout leur paraît insurmontable. « Je ne suis plus capable de…. ».

Fatigue surrénalienne – baisse de cortisol : Quel rapport avec les intolérances ?

J’y arrive ! Et vous verrez que les liens sont nombreux !!!!

Tout d’abord, en tant qu’anti-inflammatoire naturel, on comprend que lorsque le cortisol vient à manquer, le patient sera bien plus vulnérable aux inflammations. Ceci peut notamment contribuer à l’inflammation digestive.

De nombreux autres liens existent entre perte de tolérance digestive et fatigue surrénalienne. Une partie des explications se trouvent dans les mécanismes adaptatifs de régulation du cortisol.

Cortisol bas – tentative de régulation centrale :

Par principe homéostasique, lorsque les surrénales fatiguent et diminuent leur production de cortisol, l’organisme va tout faire pour réguler la situation.

Les surrénales s’endorment, le cerveau va tenter de les réveiller, de les booster afin qu’elles relancent leur production hormonale !

En langage plus physiologique : l’axe hypothalamo-hypophysaire, tour de contrôle du système endocrinien, va stimuler davantage les surrénales afin de leur donner l’ordre de remonter le cortisol. Pour ce faire, l’hypothalamus (qui contrôle l’hypophyse) va produire une forte quantité de CRH (Cortisol Releasing Hormone), qui à son tour stimulera la production d’ACTH au niveau de l’hypophyse (qui contrôle les glandes périphériques, dont les surrénales). L’ACTH pourra alors à son tour stimuler les surrénales. Mais…. C’est peine perdue… Les surrénales sont à plat… L’hypophyse a beau crier, les surrénales ne réagissent pas. Les réserves sont vides, le cortisol ne remonte pas : c’est la fatigue surrénalienne.

On se retrouve alors avec une CRH élevée et un cortisol qui reste bas.

Nous avons déjà vu qu’un taux de cortisol bas entraînait de nombreuses dysfonctions, mais à cela s’ajoute les désagréments provoqués par la montée de la CRH.

Quelles sont les dysfonctions entraînées par la hausse de la CRH ?

À haute dose, la CRH stimule la synthèse d’une hormone appelée somatostatine (ou GHIH pour Growth Hormone-Inhibiting Hormone). Cette hormone est connue pour inhiber l’hormone de croissance. Son action ne se limite pas à cela, la somatostatine est une hormone inhibitrice à large spectre.

Lorsqu’elle est en excès, elle va inhiber la TSH, l’hormone qui stimule la thyroïde. La TSH s’abaisse, la thyroïde est alors mise au repos, elle diminue sa production d’hormones thyroïdiennes. Le patient a donc une TSH basse malgré des hormones thyroïdiennes basses : c’est l’hypothyroïdie centrale. Le médecin qui persiste dans la croyance que la TSH est un bon marqueur du fonctionnement thyroïdien passera complètement à côté…. Cela dit, vous l’aurez compris, l’hypothyroïdie est ici une conséquence de la dysfonction maitresse : la dysfonction surrénalienne !

Les hormones thyroïdiennes étant essentielles à la digestion (notamment via la synthèse d’acide chlorhydrique gastrique ou bien encore via l’activation du péristaltisme intestinal), on comprend alors que ces patients se plaindront d’un défaut de vidange gastrique, de constipation, de lenteur digestive. À cela s’ajouteront bien entendu de nombreux autres signes cliniques caractéristiques de l’hypothyroïdie.

Ceci illustre parfaitement un des nombreux liens existants entre thyroïde et surrénales.

Pour comprendre davantage le fonctionnement thyroïdien, je vous invite à lire mon article intitulé « Hypothyroïdie, le point de vue de la santé fonctionnelle »

Et ce n’est pas tout, la somatostatine va mettre la pagaille au niveau de toutes les fonctions digestives :

Elle va inhiber les hormones produites au niveau du duodénum (1re partie de l’intestin grêle). Vous avez probablement entendu parler de ces hormones : cholécystokinine (CCK), sécrétine et même la motiline. De doux noms pour de formidables hormones !

La sécrétine et la CCK, agissent en synergie pour permettre la synthèse et l’excrétion dans les voies digestives, de la bile et des sucs pancréatiques. Ainsi en cas de fatigue surrénalienne, les fonctions digestives biliaires et pancréatiques peuvent être grandement impactées.

Avec une insuffisance biliaire, impossible de digérer et d’absorber les graisses. Dès qu’il en consommera, le patient sera écœuré, barbouillé, ses selles deviendront collantes, salissantes.

Les sucs pancréatiques quant à eux digèrent absolument tout : glucides, lipides et protéines ! Ainsi les capacités digestives du patient seront très rapidement dépassées. Le patient diminuera ses rations et aura l’impression de digérer de moins en moins.

La motiline, quant à elle, permet entre autres d’activer le complexe moteur migrant (CMM). Ce dernier s’active à distance des repas, et permet de chasser les résidus alimentaires de l’intestin grêle. Ainsi les aliments ne stagnent pas, ils poursuivent leur chemin vers le colon. Ceci permet d’éviter un développement excessif des bactéries et donc de fermentation dans cette partie de l’intestin.

En cas de fatigue surrénalienne, il est donc probable que le patient se plaigne de ballonnements intenses et souvent douloureux rapidement après le repas. En effet, tous les facteurs sont réunis pour que les bactéries fermentent dans le grêle ! Pourquoi poursuivraient-elles leur chemin jusqu’au colon si les conditions sont optimales à leur développement en amont : pas de sécrétion biliaire corrosive, pas d’acide chlorhydrique déversé et plein d’aliments servis sur un plateau d’argent alors que dans le côlon elles devraient se satisfaire des « restes ». Vous l’avez reconnu : ceci fait alors le lit du… SIBO. Votre patient se sentira soulagé par les régimes sans FODMAPs, en revanche en aucun cas celui-ci ne résoudra la fatigue surrénalienne qui est ici la cause maitresse de tous ses problèmes.

Loin de moi de dire que tous les SIBO sont liés à des insuffisances surrénaliennes ! Cependant lorsque le tableau clinique est évocateur, il me semble essentiel de pousser l’investigation.

Pour clôturer cet article, terminons par expliquer un dernier lien, et pas des moindres, entre fatigue surrénalienne et troubles digestifs : l’histaminose

Le cortisol n’est pas qu’un anti-inflammatoire, c’est également une molécule antiallergique. Un des mécanismes d’action lui conférant cette propriété est sa fonction de « modulateur mastocytaire ». Les mastocytes sont les cellules immunitaires sécrétrices d’histamine. Cette dernière est libérée lorsque le mastocyte est activé. Cette activation peut être déclenchée par des antigènes alimentaires, des virus, les lectines, l’alcool, des médicaments comme la pilule contraceptive, les AINS, des myorelaxants… L’histamine libérée en quantité provoque alors différents types de symptômes caractéristiques des allergies tels que des démangeaisons, le nez qui coule, des rougeurs, les yeux et lèvres qui gonflent. L’histamine en excès peut également entraîner des signes neuropsychiques tels que de l’anxiété, des insomnies, de l’hyperexcitabilité ou bien encore des signes digestifs tels que des diarrhées, du reflux, des nausées, voire des vomissements.

Par ailleurs, en abaissant le seuil d’excitabilité neuronal, l’histamine en excès entraîne une hypersensibilité viscérale. Ainsi un stimuli censé ne pas déclencher de douleur peut être perçu comme douloureux pour les personnes ayant trop d’histamine. S’en suivent des douleurs abdominales, des spasmes.

Le cortisol permet de moduler l’activation des mastocytes et donc de diminuer leur sécrétion d’histamine. Ainsi, lorsque le cortisol vient à manquer, les mastocytes s’excitent pour un rien ! Ainsi le moindre stress, l’alcool, les lectines, le gluten ou autres antigènes alimentaires, vont entraîner un relargage excessif d’histamine. Bourré d’histamine, le patient remarquera alors que lorsqu’il suit un régime pauvre en histamine et en aliments activateurs des mastocytes, il se sentira soulagé. Il éliminera de nouveau de nombreux aliments de son assiette.

N’ayant pas traité l’origine de l’activation mastocytaire, ce répit ne sera que de courte durée. La cause maitresse étant, encore une fois, dans ce cas de figure, l’insuffisance surrénalienne. Tant qu’elle ne sera pas prise en charge, le cortisol restera bas et entraînera de nombreuses autres dysfonctions.

En résumé :

Nombreux sont nos patients en errance médicale qui souffrent de troubles non compris et surtout, non considérés. À la recherche de solutions, certains pratiquent des évictions alimentaires mettant en danger leur santé pour des résultats non satisfaisants.

En entraînant de multiples dysfonctions, telles que de l’inflammation, une hypothyroïdie, une histaminose, une altération de la synthèse et de l’excrétion des enzymes digestives,  l’insuffisance surrénalienne peut expliquer la perte de tolérance digestive de bon nombre de nos patients.

Seule, la mise en évidence clinique et biologique de la cause maitresse et sa prise en charge sera efficace. Elle permettra au patient de retrouver ses capacités digestives de manière pérenne.

Guénaëlle Abéguilé, Consultante et formatrice en santé fonctionnelle – Cofondatrice de DFM Formations

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