Les outils d’investigation du praticien en santé fonctionnelle (1re partie) Par Bruno Mairet

Vous êtes praticien de santé intéressé par l’état d’esprit de la santé fonctionnelle, mais vous connaissez finalement assez mal ce qu’elle promet.

Ou bien vous êtes patient et vous avez entendu parler de la santé fonctionnelle, mais vous n’avez que peu d’idées de ce que va vous proposer le praticien que vous envisagez de consulter.  De quoi s’agit-il ? Santé fonctionnelle, est-ce un autre nom pour la naturopathie ? Est-ce uniquement basé sur de la nutrition ? Va-t-on essentiellement rechercher vos carences et vous proposer des vitamines et des minéraux (des micronutriments) ?

Qu’est-ce que la santé fonctionnelle ? Découvrir ses outils à travers cet article va vous permettre de mieux comprendre cette démarche. Mais il me faut avant cela vous dire quelques mots sur ses objectifs. C’est en effet une approche fonctionnelle de la maladie. Définissons donc d’abord ce mot « fonctionnel ». 

La médecine traditionnelle aborde le corps humain (et donc le patient) à travers un découpage d’organe. Ainsi, suivant l’organe touché par le ou les symptômes vous aurez rendez-vous avec le cardiologue, le neurologue,  l’urologue, le dermatologue…   En santé fonctionnelle, nous approchons le corps humain (et donc le patient) à travers un découpage fonctionnel. De quoi s’agit-il ? Pour être en bonne santé, le corps humain doit accomplir de grandes fonctions physiologiques et biochimiques (suivant les praticiens, ces grandes fonctions sont appelées piliers ou axes fonctionnels) : fonctions digestives, fonctions de détoxification, fonctions immuno- inflammatoires, fonctions métaboliques, fonctions neuropsychiques, fonctions hormonales. Or ce qui est essentiel à comprendre c’est que la réalisation d’une fonction par notre organisme n’est pas limitée (cantonnée) à un organe. La fonction digestive par exemple, ne concerne pas (loin de là !) que les organes digestifs ! Peuvent être impliqués dans une santé digestive : les fonctions neuropsychiques (qui n’a pas expérimenté l’impact de ses émotions, de son anxiété sur son estomac et son intestin !) ; les fonctions hormonales (par exemple, il y a un fort impact des hormones thyroïdiennes, des œstrogènes, du cortisol sur les fonctions digestives), les fonctions immuno-inflammatoires (un terrain inflammé va potentiellement exacerber certaines dysbioses intestinales)… Le praticien en santé fonctionnelle ne traite pas des pathologies d’organes (c’est le travail du médecin qui peut être indispensable dans certaines situations), mais il apprend à comprendre, à investiguer et à réharmoniser des fonctions. C’est un véritable métier, très spécifique, pour lequel il faut maitriser des outils « fonctionnels ». Découvrons-les maintenant.

Les outils d’investigations fonctionnelles

Bien évidemment avant d’envisager la prise en charge d‘un patient  (en lui proposant des « actions thérapeutiques » avec des outils d’intervention, qui répondent à sa plainte) il faut en tout premier lieu réaliser un bilan sur sa situation et son « identité fonctionnelle » en recueillant de nombreuses informations. En santé fonctionnelle, nous appelons cela une investigation car il s’agit véritablement d’une démarche logique, méticuleuse et scientifique. Une enquête à la recherche de preuves, d’indices, et de « témoignages » que l’on recoupe entre eux pour, au final, mettre le doigt sur une ou plusieurs dysfonctions, « coupable(s) » de la souffrance du patient !

  • Outil n°1 : le bilan clinique fonctionnel

L’investigation clinique en santé fonctionnelle est très structurée. C’est notre outil de base. Il s’agit d’investiguer avec un interrogatoire clinique détaillé les différentes fonctions évoquées ci-dessus. Quel que soit le motif de consultation, le praticien investiguera toujours l’ensemble des grands piliers fonctionnels. Prenons le cas d’un patient avec de gros troubles digestifs (dyspepsie, constipation, douleurs chroniques…). Nous évaluerons la fonction digestive (axe ou pilier digestif) avec de nombreuses questions spécifiques à la digestion, au transit, aux douleurs, aux spasmes intestinaux… Puis nous investiguerons toutes les autres fonctions avec systématiquement les mêmes séries de questions. C’est une étape de « découpage fonctionnel » indispensable (une analyse fonction par fonction). À la fin de ce bilan clinique vient une étape de synthèse fonctionnelle réalisée par le praticien. Il s’agit de faire des liens entre les différentes dysfonctions repérées. Dans notre cas patient, l’investigation de la fonction hormonale aura révélé une dysfonction thyroïdienne (fatigue, frilosité, perte de cheveux…). Le praticien la mettra en lien avec les altérations de la fonction digestive (une hypothyroïdie ralentit la sécrétion des sucs digestifs). Il y aura peut-être beaucoup d’autres liens fonctionnels…  Le tableau d’enquête ci-dessus est une bonne illustration de ce à quoi le praticien devrait arriver à l’issue de son bilan fonctionnel : des hypothèses, des suspects, des liens compromettants… Partant de là, il va pouvoir utiliser (si besoin) son 2e outil pour valider son raisonnement, préciser les degrés d’influence, appeler à la barre certains témoins, etc…

  • Outil n°2 : les analyses biologiques fonctionnelles

Le laboratoire, c’est l’outil des « experts » de la santé fonctionnelle ! Nous parlons ici d’analyses biologiques (sang, urine, salive, selle…) qui sont pour la plupart peu connues des médecins s’ils ne sont pas spécifiquement formés (elles ne leur sont pas enseignées pendant leurs études de médecine). Ces analyses, réalisées souvent en laboratoire spécialisé, sont recommandées par le praticien à la suite du bilan clinique, pour investiguer plus avant telle ou telle fonction. Il faut savoir que pour chacune des grandes fonctions il existe plusieurs dizaines d’analyses possibles. C’est un répertoire que le praticien doit bien connaitre. Il doit savoir quelle analyse utiliser, dans telle ou telle situation, pour valider ses hypothèses,  retrouver une pièce à conviction, prouver une complicité… Reprenons notre cas patient. Étant donné le motif de consultation intestinal, on peut s’attendre (et le patient en premier lieu) à ce que notre praticien investigue l’intestin avec des analyses spécifiques à cette fonction. Mais il surprendra peut-être son patient en investiguant plutôt les hormones thyroïdiennes, les micronutriments nécessaires à la fonction thyroïdienne (fer, sélénium, zinc, iode, vitamine A…), le cortisol et certaines analyses spécifiques du terrain inflammatoire…  À l’issue de ces analyses peut-être désignera-t-il des carences profondes en fer, iode et zinc (bingo le patient est végan !) à l’origine d’une hypothyroïdie, elle-même à l’origine d’une dysfonction digestive multiforme ! 

  • Outil n°3 : la génétique fonctionnelle

C’est un outil « d’expert » qui bien souvent ne sera pas utilisé au tout début de l’investigation. Le praticien pourra cependant y faire appel pour expliquer des « faits » qui restent non résolus malgré son enquête méticuleuse (avec les deux premiers outils). Grâce à des analyses très simples à réaliser (prélèvement salivaire), on part à la recherche de caractéristiques génétiques spécifiques sur certains gènes  (on parle de polymorphisme) qui vont altérer certaines fonctions (ce sont des tests très connus et pratiqués aux USA). Il ne s’agit pas de rechercher une maladie génétique (mutation à l’origine d’une hémochromatose, mutation à l’origine de mucoviscidose, mutation à l’origine de déficit de coagulation – facteur V de Leiden –  etc…), car ceci est un domaine très spécifique qui est du ressort de la médecine. On reste dans le domaine de la santé fonctionnelle, en investiguant les gènes d’un point de vue… fonctionnel ! Il s’agit d’une démarche de génétique fonctionnelle. Reprenons notre cas patient. Malgré un soin tout particulier apporté à la thyroïde par le praticien, une des hormones thyroïdiennes du  patient (la T3) reste toujours plutôt basse faisant persister des symptômes. La mise en évidence d’une dysfonction d’un gène (appelé polymorphisme de l’enzyme DIO2 dans ce cas) va permettre d’expliquer cette anomalie de « synthèse » de l’hormone T3. Bien sûr, on ne pourra pas dans cette situation modifier ce gène  (une caractéristique génétique c’est pour la vie,  sauf thérapie génique réservée à des protocoles encore – et peut-être pour toujours – expérimentaux), mais on aura malgré tout des réponses thérapeutiques adaptées à cette découverte (on ne fait aucune investigation qui n’a pas comme finalité l’amélioration clinique du patient).

On constate combien il aura fallu ainsi investiguer en profondeur pour pointer du doigt cette dysfonction. On est loin ici du coupable tout désigné initialement : l’intestin ! Avec cette conclusion que je vous présente, vous n’échapperez  pas sans doute à la tentation de penser que les outils d’analyses (biologiques et génétiques) sont les clefs principales du praticien en santé fonctionnelle. Aussi il n’est pas inutile de bien remarquer combien toute cette technicité (outil n°2 et n°3) s’appuie en fait sur un parfait bilan clinique initial (outil n°1). Dans notre cas patient, si le praticien passe à côté de la dysfonction thyroïdienne dans son investigation clinique initiale, toute « l’enquête » peut prendre une direction différente avec le risque de mauvaises inculpations (avec en conséquence probable, un patient non guéri) !! L’investigation clinique reste donc la pierre angulaire du praticien en santé fonctionnelle, même s’il dispose également d’outils de pointe !

  • Outil n° 4 : l’observation du cycle féminin

C’est un outil qui peut être très puissant pour investiguer et comprendre des dysfonctions hormonales féminines. C’est aussi un outil très particulier puisque dans ce cas c’est la patiente qui va faire les observations à la demande du praticien (pas de laboratoire dans ce cas !). Suivant la méthode utilisée, la patiente sera amenée à évaluer la qualité de sa glaire cervicale, et/ou à relever sa température corporelle : ainsi c’est elle qui réalise « l’analyse » même si c’est le praticien qui l’interprètera. Une des idées maitresses de cette observation est d’apprendre à la patiente à repérer son ovulation, moment clef dans le cycle féminin. C’est autour de ce point pivot fonctionnel que tout s’articule. Nous aurons alors des informations précieuses sur la durée, mais aussi la qualité de la phase folliculaire, sur la durée et la qualité de la phase lutéale, sur la qualité ovulatoire et sur l’équilibre oestroprogestatif. Grâce à cet outil, le praticien peut mieux prendre en charge les dysfonctions ovulatoires et les troubles associés (SOPK, endométriose, syndrome prémenstruel…). Mais en tant qu’outil fonctionnel, il permet plus généralement d’investiguer la sphère hormonale féminine si importante dans les consultations de santé fonctionnelle. Il permettra notamment au praticien de faire réaliser des dosages d’hormones sexuelles et/ou de proposer les compléments, plantes ou hormones bioidentiques au bon moment du cycle.

Reprenons notre cas patient… ou plutôt patiente. Au bilan clinique (investigation de la fonction hormonale), le praticien avait suspecté un déséquilibre oestroprogestatif. L’analyse biologique réalisée au bon moment du cycle (grâce à l’outil d’observation) permet de confirmer et de quantifier ce déséquilibre qui avait peut-être été suspecté par l’observation du cycle. Or, ce déséquilibre oestroprogestatif peut affecter les hormones thyroïdiennes ! Ceci explique pourquoi les symptômes de cette patiente se manifestaient davantage avant ces menstruations (phase du cycle où ce déséquilibre oestroprogestatif est le plus patent ! Cet outil de gynécologie fonctionnelle  a ainsi servi à mieux cerner le trouble digestif initial !  À nouveau cette démarche nous montre combien la recherche des causes fonctionnelles nous éloigne parfois beaucoup des organes sur lesquels se manifestent les effets.

Et cerise sur le gâteau : avec la santé fonctionnelle il y aura beaucoup de bénéfices collatéraux qui vont se manifester lors de la prise en charge de la cause (contrairement aux médicaments qui provoquent souvent des dégâts collatéraux !). Car si la plainte initiale de notre patiente était l’intestin, les bénéfices d’un réglage hormonal thyroïdien et oestroprogestatif seront énormes pour sa santé globale !

Comme vous l’avez compris, tous ces outils d’investigations font l’objet d’une expertise très pointue qui nécessite des formations spécifiques. DFM formations à l’ambition de former des praticiens en santé maitrisant ces 4 outils.

La deuxième partie de cet article présentera les outils d’interventions de la santé fonctionnelle.

Bruno Mairet, Consultant et formateur en santé fonctionnelle – Cofondateur de DFM Formations

Pour aller plus loin :

Une formation diplômante de 13 jours répartis en 6 modules. Avec Guénaëlle Abéguilé et Bruno Mairet. Disponible en, présentiel à Paris ou Rennes, en E-Learning ou Classe virtuelle.

Un outil d’évaluation clinique de la qualité de l’ovulation et de prise en charge thérapeutique

6 commentaires sur « Les outils d’investigation du praticien en santé fonctionnelle (1re partie) Par Bruno Mairet »

Répondre à celceline13Annuler la réponse.