Hypothyroïdie : Le point de vue de la santé fonctionnelle par Guénaëlle Abéguilé

Les hormones thyroïdiennes régulent à elles seules la quasi-totalité de nos fonctions : fonctions digestives, microbiotales, métaboliques, thermorégulation, reproduction, immunoinflammatoires, neuropsychiques… Elles permettent même la régulation de l’équilibre hormonal dans sa globalité.

Les troubles de la fonction thyroïdienne vont alors altérer la santé du patient dans son ensemble et peuvent être responsables de très nombreux signes cliniques diverses et variés.

L’hypothyroïdie est pourtant largement sous-estimée dans notre population.

Pour cause, son évaluation repose essentiellement sur le dosage de la TSH. Pourtant de nombreuses situations expliquent une absence de relation entre le taux de la TSH et le taux d’hormones thyroïdiennes.

Ces patients hypothyroïdiens à TSH normale ne vivent pas à leur plein potentiel.

De par la diversité des actions des hormones thyroïdiennes, l’hypothyroïdie peut prendre de nombreux visages différents, ce qui ne facilite pas le diagnostic.

 Quand évaluer la fonction thyroïdienne?

De par la fréquence des troubles thyroïdiens et leur impact sur l’ensemble des fonctions de l’organisme, il me semble nécessaire de procéder à une évaluation clinique de la thyroïde pour tous nos patients. Celle-ci sera complétée d’une investigation biologique que si la clinique est évocatrice.

Quels sont les signes cliniques à rechercher ?

Les signes cliniques qui doivent nos orienter vers une hypothyroïdie sont diverses et variés. Nous pouvons retrouver :

  • Une prise de poids ou une difficulté à la perte de poids
  • Une frilosité, des extrémités froides, voire un syndrome de Raynaud
  • Une fatigue, souvent plus importante le matin. Une sensation d’être au « ralenti »
  • Une perte de cheveux diffuse, parfois une perte de la queue du sourcil
  • Une constipation, des reflux, une lenteur digestive, des ballonnements
  • Une peau sèche (tout particulièrement au niveau des tibias)
  • Une baisse de libido, de l’hypofertilité, des fausses couches
  • Des œdèmes autour des yeux, des doigts et des pieds (plus présents le matin)
  • Une coloration jaune-orangée de la paume des mains, plante des pieds ou du voile du palais

Nous pourrions ajouter de nombreux signes cliniques, mais plus nous en ajoutons, plus nous perdons en spécificité.

La spécificité, là est le problème! Vous pouvez constater qu’aucun signe clinique n’est pathognomonique de l’hypothyroïdie. En effet, les causes de prise de poids, de troubles digestifs ou de fatigue sont nombreuses… Il est donc nécessaire d’aborder le patient avec un certain recul, dans sa globalité et de s’interroger  pour  savoir si ce signe peut être révélateur d’une autre dysfonction.

C’est tout l’art de la démarche fonctionnelle en micronutrition.

Lorsque la clinique est évocatrice, elle doit être complétée d’une investigation biologique. Bien que l’investigation clinique prime sur la biologie, cette dernière s’avère indispensable pour quantifier l’importance de l’hypothyroïdie, pour permettre d’objectiver l’impact de la prise en charge et surtout pour identifier les causes biologiques de l’hypothyroïdie, celle qui nous permettront d’élaborer la prise en charge fonctionnelle.

Comment évaluer la fonction thyroïdienne par la biologie ?

Faire doser la TSH ?

Face à toute suspicion d’hypothyroïdie, la haute autorité de santé recommande de faire le dosage de la TSH.

La TSH n’est pas une hormone thyroïdienne mais une hormone produite par le cerveau, au niveau de l’hypophyse. On évalue alors la fonction thyroïdienne de manière indirecte.

La TSH à pour but de stimuler la production d’hormone thyroïdienne par la thyroïde elle-même lorsque ces hormones viennent à manquer. On comprend alors la logique : Les hormones thyroïdiennes baissent, le cerveau reçoit l’information, en retour l’hypophyse augmente sa production de TSH pour normaliser la situation. S’en suit alors une augmentation de la production d’hormone thyroïdienne et donc une régulation de la TSH… Donc, en partant de ces constats, lorsque les hormones thyroïdiennes sont basses  (hypothyroïdie) la TSH monte et lorsque les hormones thyroïdiennes sont hautes (hyperthyroïdie) la TSH baisse.

Jusque-là tout va bien.

Mais en réalité, il existe de nombreuses situations où la TSH ne reflète pas le statut en hormones thyroïdiennes !

Dans quelle situation peut-il avoir discordance entre TSH et hormones thyroïdiennes ?

 Ces tableaux sont loin d’être rares. Citons :

  • L’hypothyroïdie centrale : dans cette situation, l’hypophyse n’est plus en mesure de synthétiser de la TSH. La TSH baisse et la thyroïde n’est plus stimulée, les hormones thyroïdiennes viennent alors à manquer…On aura alors une hypothyroïdie à TSH basse !
  • La normalisation de la TSH par des hormones thyroïdiennes non actives : Nous verrons plus loin que seule l’hormone thyroïdienne T3 est active. Cependant elle n’est pas la seule à normaliser la TSH. La T4, pré-hormone, non active exerce également le rétrocontrôle sur la TSH. On peut donc avoir une TSH normale avec un taux de T4 « inactive » normale et un déficit de T3 active. Il y a encore hypothyroïdie (par déficit de T3) à TSH normale.
  • Cette même situation se retrouve avec un excès de T3 reverse, qui exerce également un rétrocontrôle sur la TSH. Nous en reparlerons plus loin.
  • La résistance à la TSH : les récepteurs à la TSH répondent plus difficilement à la présence de l’hormone, ainsi pour normaliser la synthèse d’hormones thyroïdiennes, l’hypophyse synthétise plus de TSH. Dans cette situation, on peut alors avoir un patient normothyroïdien à TSH haute.

On comprend alors que la TSH n’est pas un bon marqueur du fonctionnement thyroïdien.

Ce bilan doit être complété à minima par le dosage des hormones thyroïdiennes.

Quelles sont les hormones thyroïdiennes ?

La thyroïde fabrique de la T4 en quantité et un peu de T3. La T4 est une hormone très peu active, pour être fonctionnelle, elle nécessite d’être convertie en T3 par les tissus périphériques (notamment foie et rein).

De quoi avons-nous besoin pour convertir la T4 en T3 ?

En plus d’avoir des organes périphériques fonctionnels (foie, rein…), il faut avoir des enzymes de conversion fonctionnelles dans un environnement optimal.

Je m’explique :

Les enzymes qui interviennent dans la conversion de T4 en T3 sont appelées les désiodases. La principale intéressée est la 5’desiodase  de type D2. Elle se charge d’enlever un atome d’iode à la T4 (4 atomes d’iode) pour en faire de la T3 (3 atomes d’iode).

Il existe de grandes variations au niveau de la fonctionnalité de ces enzymes. Une des causes de ces variations d’activité est génétique. Certains de nos patients ont hérité d’une mauvaise version du gène par un ou deux de leurs parents, ainsi ils ont une enzyme plus ou moins fonctionnelle, et une aptitude à convertir la T4 en hormone active plus ou moins importante.

Ce n’est pas tout, comme pour toute opération biochimique, ces enzymes doivent être dans un environnement optimal.

Un environnement optimal nécessite notamment que ces enzymes aient à leur disposition tous les micronutriments nécessaires à leurs fonctionnements. Il en faut de nombreux, mais les principaux concernés sont le sélénium et le zinc. Ces micronutriments sont alors pertinents à faire doser en cas de défaut de conversion de T4 en T3.

Un environnement optimal c’est aussi l’absence d’éléments perturbateurs pour le fonctionnement de l’enzyme en question. Citons par exemple l’importance de la gestion du stress, de l’absence des métaux lourds, tout particulièrement le mercure, le plomb et le cadmium ou encore l’absence de déficit énergétique.

Mais alors la T4 ne sert à rien ?

La T4 est une hormone considérée comme non active (bien que ce concept ne soit pas tout à fait juste), mais son dosage est nécessaire. En effet, en tant que « pré-hormone » de la T3, il faut s’assurer que la synthèse de la T4 soit suffisante pour permettre une bonne réserve de précurseur de l’hormone active. En cas d’hypothyroïdie par manque de T3, le dosage de T4 permettra de savoir si l’optimisation de la conversion T4 en T3 suffira à normaliser la T3 ou s’il semble également nécessaire d’optimiser le réservoir.

De quoi avons-nous besoin pour fabriquer de la T4 ?

 La T4 est fabriquée à partir de la tyrosine, un acide aminé. Il faut donc des apports journaliers protéiques suffisant pour assurer les besoins. 4 atomes d’iode sont nécessaires à la synthèse de la T4. Une évaluation de l’iode dans les urines (iodurie de 24 h ou du matin si le patient n’urine pas la nuit) permettra d’évaluer le statut et d’individualiser les apports au besoin. Les carences d’iode sont encore aujourd’hui extrêmement fréquentes même chez les mangeurs de poissons et crustacés. Croyez mon expérience de praticien Bretonne, avec des patients ostréiculteurs….

Une T3 « normale » me permet d’exclure une hypothyroïdie ?

Et bien non plus…

Ouvrons tout d’abord le sujet de la « normalité ». Est-ce qu’être dans la norme est satisfaisant ? Ne faisons pas durer le suspense, la réponse est clairement non ! Les normes présentées par le labo ne sont en aucun cas des normes santé. Ce sont des normes statistiques qui reprennent les valeurs regroupant 95% des données biologiques des patients du laboratoire.

Pour reprendre les propos de Dr Stéphane Résimont, médecin fonctionnel spécialisé dans les troubles hormonaux : « ne prendre en charge que les patients qui sortent des normes des labos, reviendrait à ne mettre des lunettes qu’aux patients qui sont presqu’aveugles et de dire aux autres : circulez ». J’oserai ajouter : « y’a rien à voir » !

Donc : non, une T3 dans la norme ne veut pas dire que tout va bien, il faut plutôt s’assurer que le patient soit autour de la norme santé, c’est-à-dire autour de 5 pmol/L. Mais encore une fois de plus, c’est la clinique qui prime, si un patient n’a pas de symptômes à 4,5 pmol/L, ne cherchons pas de problèmes là où il n’y en a pas.

Donc une T3 optimale autour de 5 pmol/L me permet d’exclure une hypothyroïdie ?

Et bien, non, toujours pas….

Plusieurs situations expliquent que la T3 ne puisse exercer « son job ».

Parmi ces situations citons :

  • L’excès de T3 reverse : hormone obtenue à partir de T4 lorsque que nous sommes en présence de métaux lourds, de déficit en sélénium ou zinc, lorsque nous sommes stressés ou lorsqu’il y a un déséquilibre œstroprogestatif. La T3 reverse bloque l’action de la T3 en prenant sa place sur les récepteurs.
  • Le déficit de Vitamine A et de magnésium tous deux indispensables au fonctionnement du récepteur.
  • Le déficit de cortisol qui accélère le catabolisme de la T3
  • La dysbiose associée à une porosité intestinale. Dans cette situation, des molécules, appelées Lipopolysaccharides, franchiront la barrière intestinale et prendront la place des hormones thyroïdiennes sur les récepteurs, ainsi la T3 ne pourra plus s’y fixer.
  • L’inflammation qui peut altérer le fonctionnement des récepteurs, rendant le patient résistant aux hormones thyroïdiennes.
  • Les polymorphismes génétiques concernant les récepteurs aux hormones thyroïdiennes

Face à la complexité du fonctionnement thyroïdien, il semble évident que son évaluation à partir du dosage de la TSH seule est plus qu’approximatif et laisse de nombreux patients hypothyroïdiens sur le banc de touche.

L’investigation fonctionnelle de la thyroïde doit faire appel avant tout à la clinique. Un patient présentant des signes cliniques d’hypothyroïdie avec une biologie « normale » ne fonctionne pas à son optimum.

Les conséquences sont multiples et touchent les fonctions reproductives, digestives, immuno-inflammatoires, métaboliques, neuropsychiques et endocriniennes.

Le rôle de praticien en santé fonctionnelle est de rechercher pourquoi il y a une discordance entre la clinique et la biologie et de prendre en charge de manière très spécifiques les dysfonctions causales.

Guénaëlle Abéguilé, Consultante et formatrice en santé fonctionnelle, cofondatrice de DFM formation

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6 commentaires sur « Hypothyroïdie : Le point de vue de la santé fonctionnelle par Guénaëlle Abéguilé »

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