Envie de sucre : Que faire ? 2 ème partie par Guénaëlle Abéguilé

Dans le précédant article, nous avons parlé des différentes causes responsables des envies de sucre de votre patient. Nous avons mis en évidence l’aspect multicausal de ce trouble et l’importance d’évaluer la dysfonction propre à votre patient. Cette évaluation est une étape indispensable à l’élaboration d’un protocole efficace, précis, adapté et individualisé. Ainsi si vous n’avez pas lu cet article, je vous invite à le faire avant de poursuivre sur celui-ci.

Nous allons maintenant donner les grands axes de prise en charge pour chacune des dysfonctions évoquées précédemment.

  1. Prise en charge des envies de sucres d’origine sérotoninergique

En cas de manque de sérotonine, au niveau nutritionnel, nous conseillerons au patient de prendre un gouter contenant des aliments à charges glycémiques basses accompagnés de gras végétal. Ainsi, un fruit et une poignée d’oléagineux permettront de favoriser la synthèse de sérotonine jusqu’à la fin de journée. Le dîner devra être végétarien voir végétalien, en effet les protéines animales limiteront la synthèse cérébrale de sérotonine.

Au niveau micronutrition, il faudra s’assurer que le patient ne manque pas de micronutriments indispensables à la synthèse du neurotransmetteur. Notamment les vitamines B6 et B9 et surtout le magnésium (qui est presque toujours déficitaire) !

Nous pourrons lui proposer en complément alimentaire, la prise de tryptophane, précurseur de la sérotonine,  vers 17h. Celui-ci ne sera en revanche pas efficace en cas de dysbiose ou d’inflammation. Le griffonia contenant un précurseur plus direct sera alors souvent plus efficace.

L’administration de lithium à faible dose (rien à voir avec les prescriptions psychiatrique) peut également avoir son intérêt, il favorisera le détachement du tryptophane de son transporteur, ce qui favorisera son passage dans le cerveau et donc, la synthèse de sérotonine.

  1. Prise en charge des envies de sucre d’origine dopaminergique

En cas de manque de dopamine, nous insisterons très lourdement sur l’importance du petit déjeuner protéiné et peu glucidique ! Œufs, jambon de qualité, volaille, poisson, tofu, graines de courge, de chanvre, oléagineux, fromages figureront au menu quotidien !

Entre nous, le passage au petit déjeuner protéiné est, je pense, le conseil alimentaire qui a le meilleur rapport bénéfices/contraintes.  Parole d’une ancienne addict au sucre.

Si ces changements ne suffisent pas, on peut recommander au patient la prise de 1g de tyrosine, précurseur de la dopamine, 20 min avant le petit déjeuner. Si toutefois le patient maintient son petit déjeuner sucré, cette recommandation sera vouée à l’échec !  Nous veillerons également à ce que le patient ait un statut optimal en Fer, B6, B9 et Zinc, indispensables à la synthèse de dopamine.

  1. Prise en charge des envies de sucre liées à la candidose intestinale

En cas de candidose, nous devrons….. sucrer les sucres !!!! Ce qui sera très difficile car tant que la candidose est présente, les envies de sucres persisteront ! Il faut donc traiter la candidose ! Cette mission est impossible en cas d’alimentation à charge glycémique élevée !

En parallèle de ces reformes alimentaires, nous administrerons des plantes ou huiles essentielles anti fongiques sur une durée déterminée suivie généralement de l’administration de probiotiques spécifiques.

Ce traitement peut être long et les changements alimentaires doivent être plus ou moins maintenus à vie. Mais bonne nouvelle, lorsque la candidose aura disparu, les envies de sucres feront partie d’un vague souvenir, les goûts de vos patients changeront littéralement !

  1. Prise en charge des envies de sucre liées à l’hypoglycémie réactionnelle

En cas d’hypoglycémie réactionnelle, le meilleur conseil à donner est de favoriser une alimentation à charge glycémique basse ! Gardons pour l’occasion les biscuits gâteaux et autres sucreries et tronquons les céréales raffinées par des céréales complètes cuites al dente (riz complet ou semi complet, sarrasin, millet…) ou par des légumineuses (lentilles, pois chiches, quinoa…). Par ailleurs nous n’avons nul besoin de manger de grandes quantités de féculents, l’assiette doit être composée d’une forte majorité de légumes.

Nous conseillerons au patient d’augmenter sa consommation de graisses. En effet, le gras permettra, d’une part de substituer avantageusement les apports alimentaires diminués et d’autre part de diminuer la charge glycémique des repas.  Nous lui recommanderons alors d’ajouter une cuillère à soupe d’huile végétale dans toutes ses assiettes (colza- lin- olive par ex) et de favoriser les bons gras tel que les olives, avocats, oléagineux, petits poissons gras etc…

Au niveau micronutrition, nous pouvons proposer d’ajuster le statut biologique de Zinc, de Vit D et d’administrer du chrome. Ces 3 micronutriments sont indispensables à la fonctionnalité du récepteur à l’insuline.

  1. Prise en charge des envies de sucre liées à la fatigue surrénalienne

En cas de déficit de cortisol, nous devrons prescrire au patient de la zen-attitude ! Yoga, sophro, méditation, cohérence cardiaque, chacun trouvera chaussure à son pied.

Par ailleurs impossible de remonter une carence en cortisol si nous ne donnons pas de la régularité, de l’ampleur et du contraste à nos biorythmes ! Adieux la grasse mat du week-end, qui fait plonger notre patient encore plus bas ! Se lever à heure fixe semaine et week-end. Réserver l’obscurité, le calme, le silence, l’inactivité, le sommeil à la nuit ainsi que la lumière, le bruit, l’activité, le mouvement à la journée ! Faites les sortir à la lumière dès le réveil ou conseillez leur de s’exposer devant une lumière de luminothérapie pendant leur petit déjeuner. A l’inverse le soir ils abaisseront leurs lumières pour préparer le cerveau à la synthèse de la mélatonine, notre hormone du sommeil ! 

Au niveau micronutrition, pour limiter la vulnérabilité au stress, responsable de l’épuisement du cortisol, nous proposerons une forte dose d’un magnésium de grande qualité (glycérophosphate, bisglycinate ou citrate) ainsi que des plantes adaptogènes comme la rhodiole ou l’ashwagandha. Nous pouvons en parallèle proposer des plantes pour booster la synthèse du cortisol comme la réglisse (contre indiquée en cas d’hypertension artérielle) ou la gemmothérapie de cassis.

Vous l’aurez compris, il n’existe pas et il n’existera jamais de remède universel contre l’envie de sucre. Nous chercherons alors à évaluer ce qui se cache derrière le trouble alimentaire de notre patient. Ceci nécessite de réaliser une petite enquête pour déterminer  la ou les dysfonctions présentes, ainsi que leurs causes. Seule cette démarche nous permettra de proposer une prise en charge individualisée adaptée et précise. Ceci est certes, plus complexe que de prescrire la pilule « StopOsucre », mais tellement plus efficace et satisfaisant !

Guénaëlle Abéguilé, Consultante et formatrice en santé fonctionnelle – Cofondatrice de DFM Formations

Ma dysbiose est génétique, mais je me soigne par Bruno Mairet

La dysbiose

Voici un terme que vous avez sans doute déjà lu ou entendu si vous vous intéressez à la santé intestinale. L’usage de ce mot a été largement développé avec les récentes découvertes sur le microbiote. En effet, la dysbiose est définie comme un déséquilibre quantitatif ou qualitatif du microbiote. Pour simplifier à l’extrême une situation très complexe (il y a plus de 400 espèces bactériennes dans un équilibre très subtil dans notre intestin) disons que la dysbiose peut se manifester notamment par une  perte de diversité bactérienne, une disparition de “bonnes” bactéries  ou une augmentation d’une flore pathogène. Ces déséquilibres sont  associés à des conséquences très néfastes pour la santé. Le terme dysbiose s’oppose à celui moins connu, d’eubiose, qualifiant un microbiote intestinal “sain”. Les causes de la dysbiose sont multiples et bien connues. Stress, alimentations inadaptées, prise de certaines classes de médicaments (notamment antibiotiques, inhibiteurs de sécrétion gastrique, IPP ), dysfonctions gastriques, biliaires, ménopause, alcools, sports intensifs, toxines, polluants… Savez-vous que des facteurs génétiques peuvent être aussi impliqués ? J’entends déjà certains se demander : “mais pourquoi consacrer un article à cela ?” À quoi bon savoir que nos douleurs intestinales, nos problèmes de constipations récurrentes, nos lourdeurs digestives chroniques sont génétiques ?” Certains diront même que c’est contre-productif, puisque c’est une fatalité contre laquelle nous ne pouvons rien. Cela peut même dangereusement conduire à une déresponsabilisation, à ce que l’on pourrait appeler de “bons prétextes génétiques”: “je n’y peux rien c’est génétique, pourquoi changer mon mode de vie?!”. Alors ne vaut-il mieux pas ne pas s’occuper de génétique, et agir sur les facteurs qui sont à notre portée, c’est-à-dire une bonne partie de ceux que nous avons évoqué quelques lignes plus haut ? Cela parait évident et plein de bons sens. Mais ce n’est plus vrai au XXIe siècle. Voyons cela de plus près.

Polymorphisme génétique

Je tiens à préciser que je laisse ici de côté l’épigénétique. J’ouvre d’ailleurs une petite parenthèse sur ce sujet qui est certes passionnant, très médiatisé, responsabilisant aussi (je peux changer malgré mes gènes !), mais aussi malheureusement trop vite récupéré par des laboratoires irresponsables. Dans un récent congrès de naturopathie, une communication proposait de “tester notre épigénome” à partir de nos cheveux ! Soyons sérieux, l’épigénétique est une science  très complexe, pratiquée dans des laboratoires de pointe et très loin d’être accessible à la routine d’une pratique de naturopathie/micronutrition ! Au mieux peut-on aujourd’hui proposer des produits qui facilitent un processus biochimique appelé méthylation dont on sait qu’il joue un rôle clef dans l’épigénétique. Mais là encore les laboratoires qui vendent ces produits en clamant leur “action épigénétique”, sont essentiellement dans du marketing, en surfant sur un terme très tendance. Fermons la parenthèse “épigénétique” et ouvrons en une plus accessible à la pratique : le polymorphisme génétique.

dna-3539309_1920

Autant le terme “épigénétique” est maintenant assez connu, autant celui de “polymorphisme” est rarement évoqué. Et pourtant il s’agit de quelque chose de très important à connaitre avec des conséquences potentielles sur la prise en charge. De quoi s’agit-il ? Il s’agit le plus souvent de variations génétiques mineures touchant un seul nucléotide dans un gène (soit une lettre changée sur en moyenne 30.000 lettres pour un gène !!). Une grande partie de ces variations (dites “SNPs” pour Single Nucleotid Polymorphism) sont sans conséquences. Ainsi, une faute de frappe dans la recette d’un livre de cuisine ne vous empêchera pas dans la plupart des cas de réaliser la recette correctement. En revanche, pour continuer l’analogie, si au lieu de 6 œufs il est indiqué dans la recette 3 œufs (faute de frappe ! variation d’un seul caractère) il se peut que le produit final soit légèrement modifié !! C’est ce qui se passe parfois avec les SNPs. Tous les gènes et donc toutes les protéines présentent des polymorphismes et donc une variabilité fonctionnelle. Donnons un exemple pour être concrets. La toxicité au mercure. De petites variations génétiques sur une protéine sanguine, appelée apolipoprotéine (APO) rendent plus vulnérable aux fameuses intoxications au mercure, car une des fonctions de cette protéine (la chélation ou séquestration du mercure) est perdue. Deux petites lettres, grosses conséquences et une adaptation de mode de vie qui doit être entreprise en conséquence.

Le gène FUT2 dans la dysbiose

Revenons petit à petit au sujet de la dysbiose. Vous avez sans doute déjà entendu parler du mucus intestinal. Il s’agit d’une substance gélatineuse produite par la muqueuse intestinale dont on découvre chaque jour davantage l’implication dans l’équilibre du microbiote. Entre autres, et pour faire simple, disons qu’il sert d’ancrage et offre un support nutritif à certaines bactéries du microbiote. Or, il s’avère que ce mucus est constitué de protéines riches en groupements glucidiques. Pour bien comprendre, plongeons un instant au cœur de la cellule intestinale (précisément la cellule de Goblet qui synthétise le mucus). Suivez le guide-biochimiste !!

fut 2

Nous rentrons dans un petit compartiment de la cellule appelé appareil de Golgi et là nous voyons une enzyme à l’œuvre (l’enzyme FUT2 ou Fucosyltransferase 2- qui est concentrée à l’intérieur de la cellule dans la zone en vert foncé sur le schéma) qui greffe un sucre (Fucosyl) sur un disaccharide (lactose) pour obtenir du 2 fucosyl lactose, substance essentielle pour un mucus intestinal de qualité. Mais il s’avère que chez 20% d’entre nous cette enzyme FUT2 est sujette à un polymorphisme (que l’on appelle mutation stop gain) la rendant absente.

Il y a une ou plusieurs mutations sur le gène FUT2. En conséquence, le mucus n’a pas sa glycosylation finale (l’ajout de sucre) et donc c’est un “mauvais mucus”. Il a été montré que ce polymorphisme FUT2, avec son mauvais mucus, est responsable d’un changement du microbiote. Il est d’autre part associé à un risque accru de candidose chronique, de maladie de Crohn, de maladie cœliaque, de diabète de type 1, d’infection du tractus urinaire… Mais ce qu’il faut retenir surtout pour cet article c’est que cette mutation a un effet “bifidoprive”, en d’autres termes cette mutation diminue la richesse du microbiote en bifidobactéries qui sont comme chacun le sait des “bonnes bactéries”. Résumons-nous : mutation du gène FUT2  = concerne 20% d’entre nous = induis la production d’un mauvais mucus = générateur de dysbioses liée à un facteur génétique. Certains laboratoires d’analyses spécialisés ont mis en place la recherche de la mutation du gène FUT2 (aux USA notamment on peut pratiquer des recherches très exhaustives de polymorphismes incluant le FUT2 pour un cout inférieur à 100 euros). Il est donc  possible de savoir si l’on présente un polymorphisme sur ce gène (savoir si l’on fait partie des 20%).  

Des produits bifidogènes qui compensent le polymorphisme FUT2

À partir de là, il faut savoir que le 2′ fucosyllactose manquant peut être apporté sous forme de complément alimentaire commercialisé par plusieurs laboratoires en France (cet article n’est évidemment pas une pub, je ne cite donc pas de marque). Ce complément va venir compenser l’absence de l’activité enzymatique d’un patient présentant le polymorphisme FUT2. Le produit ne va pas permettre de rétablir la fonction enzymatique (c’est impossible- seule la thérapie génique permettrait cela ! Or, cette dernière concerne uniquement des protocoles très lourds dans des pathologies graves: thalassémie- hémophilie …). Le 2′ fucosyllactose va permettre de retrouver une bonne population bactérienne intestinale de bifidobactéries : on peut parler d’activité bifidogène. Très bien ! Mais peut-on savoir si ce produit est intéressant même sans avoir fait le test FUT2 ?  Plusieurs indices peuvent  donner envie de le tester.

En premier lieu la présence d’une dysbiose (plutôt sévère).

Cette dysbiose n’est pas épisodique, mais à tendance chronique. Elle est présente depuis longtemps et réfractaire.

D’autre part, cette dysbiose est plutôt très résistante aux probiotiques, c’est-à-dire que malgré une complémentation correctement conduite, les probiotiques n’ont aucun effet sur vous. C’est sans doute un des signes principaux. En d’autres termes, vous êtes non répondeurs aux probiotiques. Pourquoi ? On peut dire que votre mucus “ne retient pas” les bonnes bactéries apportées par les probiotiques. Vous n’êtes donc pas sensibles aux tentatives pour réensemencer votre intestin avec de bonnes bactéries, ce qui, normalement, dans des protocoles bien conduits corrige la dysbiose.

Enfin vous êtes concernés par les pathologies évoquées comme étant à risque (voir quelques lignes plus haut).

La morale de ce texte ? Si vous entendez quelqu’un dire “c’est génétique je n’y peux rien”, vous pourrez lui répondre que non seulement il peut corriger les autres facteurs de risques de son problème (se prendre en charge en somme), mais dans certaines situations il peut aussi “soigner” son problème génétique! Elle n’est pas belle la science ?!

Bruno Mairet, Consultant et formateur en Santé Fonctionnelle et co fondateur de DFM Formations

Pour aller plus loin :

 13 jours de formation sur 10 mois. Avec Guénaëlle Abéguilé et Bruno Mairet. Pour voir les dates sur Rennes et Paris, cliquez sur le lien ci-dessous.

Les polymorphismes en Santé Fonctionnelle

Irritabilité, impulsivité, compulsion alimentaire: Et si c’était un déficit de sérotonine ? Par Guénaëlle Abéguilé

La sérotonine est un neurotransmetteur (molécule chimique qui assure la transmission des messages d’un neurone à l’autre) responsable du bien-être, du lâcher prise, de la sérénité. C’est le “frein physiologique” de la fin de journée. La sérotonine est également le précurseur de la mélatonine (Hormone du sommeil): pas de bon sommeil récupérateur sans sérotonine !

Les personnes souffrant d’un manque de sérotonine seront alors souvent impatients, agacés, irritables, parfois même agressifs. Ils peuvent souffrir également de compulsions alimentaires de type sucré ou gras en fin de journée. D’autres seront reconnaissables car ils ne lâchent jamais prise, ils doivent tout maîtriser et ruminent en permanence ! « Mon cerveau ne s’éteint pas, je ne trouve pas le bouton off »…Lorsque nous leur évoquerons ce neurotransmetteur de la sérénité, du lâcher prise, nous verrons leurs yeux s’illuminer et ils nous diront « ça fait rêver », tandis que d’autres s’enfonceront dans leur chaise et vous diront : « je ne connais pas »

La sécrétion de sérotonine obéit à un rythme biologique circadien (sur 24 h). Son principal pic de sécrétion à lieu vers 17 h, permettant une fin de journée apaisée, sereine, tandis que la première partie de journée, sous la dépendance de la dopamine, doit être plus combative, plus énergique.

Ce neurotransmetteur est synthétisé à partir d’un précurseur : l’acide aminé tryptophane. La synthèse de la sérotonine à partir de cet acide aminé n’est pas un long fleuve tranquille. De l’assiette jusqu’à sa synthèse et au-delà. Voyageons au côté du tryptophane pour comprendre les différents obstacles rencontrés lors de cette grande aventure.

Les principaux freins à la synthèse de la sérotonine sont les suivants :

  • Détournement du tryptophane de la voie de synthèse de sérotonine
  • Obstacles empêchant son entrée dans le cerveau.
  • Déficits micronutritionnels de cofacteurs indispensables à sa synthèse.
  • Difficulté de communication neuronale par insuffisance de fluidité membranaire

Le tryptophane dans l’assiette

Le tryptophane est un acide aminé essentiel, c’est-à-dire que notre organisme ne peut pas le synthétiser, il doit être alors apporté en quantité suffisante par l’alimentation. Ceci représente un premier frein à la synthèse de sérotonine. Nous trouvons du tryptophane dans de nombreux aliments d’origine végétale et animale.

1 – Les voies de détournement du tryptophane:

La Dysbiose (=déséquilibre du microbiote)

Dans l’intestin il rencontrera alors son premier obstacle. Il rentre en contact avec notre microbiote intestinal. Il ne craindra pas un microbiote équilibré, en revanche, les bactéries de putréfaction telles que les clostridiums raffolent du tryptophane. Elles le dévoreront, celui-ci ne sera donc plus disponible pour synthétiser de la sérotonine. Une personne souffrant de dysbiose de putréfaction (facilement reconnaissable à l’odeur de ses gaz!) sera alors beaucoup plus sujet au déficit de sérotonine. Si nous apportons du tryptophane en complément alimentaire dans ce cas, non seulement nous n’aurons pas l’effet escompté, mais nous nourrirons ces mauvaises bactéries et aggraverons la dysbiose. Il paraît alors évident que le traitement du microbiote permettra d’améliorer la biodisponibilité du tryptophane qui pourra alors être absorbé et, si les autres obstacles sont maîtrisés, il pourra se transformer en sérotonine. Notre sujet retrouvera alors bien-être et sérénité ! Ceci illustre un des liens entre microbiote et cerveau ;-).

L’inflammation

La deuxième voie de détournement du tryptophane est l’inflammation. Celle-ci fait dévier le tryptophane vers la voie de la kinurénine. Non seulement le tryptophane ne sera plus disponible pour fabriquer de la sérotonine, mais en plus, l’inflammation lui fera emprunter cette voie neuro toxique responsable de dépression et d’anxiété. Les études indiquent bien une corrélation entre inflammation et dépression. Il paraît alors nécessaire de moduler l’inflammation pour améliorer la synthèse de sérotonine. Cette prise en charge nécessite de repérer et de traiter les causes fonctionnelles responsables de cette inflammation.

Le déficit de vitamine B3

Enfin, la 3ème voie de détournement est la carence en vitamine B3. Cette dernière est fabriquée à partir du tryptophane. En cas de carence de vitamine B3, une grande quantité du tryptophane absorbé sera consommé pour synthétiser cette vitamine. Une optimisation du niveau de Vitamine B3 épargnera le tryptophane qui pourra alors emprunter la voie de synthèse de sérotonine.

Dans ces 3 conditions (inflammation, dysbiose et carence de Vit B3), l’apport de tryptophane sera inefficace. En revanche, le 5 HTP contenu dans la Griffonia échappera à ces voies de détournement. Il pourra alors trouver sa place dans le traitement des déficits de sérotonine. En revanche, contrairement au tryptophane, le 5HTP échappera au rétrocontrôle sur la synthèse de sérotonine. C’est-à-dire que si nous apportons trop de 5 HTP par rapport aux besoins, nous synthétiserons trop de sérotonine. Il faut donc rester prudent lors de son administration en cas de traitement antidépresseur type inhibiteur de la recapture de sérotonine (ISRS). Dans ce cas évitez une complémentation sans consultation auprès d’un professionnel de santé formé en micronutrition ou en phytothérapie.

Dans tous les cas, la priorité sera de repérer et de traiter les éventuelles causes de détournement du tryptophane pouvant être à l’origine du déficit de sérotonine. Le traitement du microbiote, la prise en charge de l’inflammation et la restauration d’un statut optimal en B3 pourront alors suffire pour retrouver notre sérénité.

Lorsque les voies de détournements sont maîtrisées, il faut s’assurer que le tryptophane puisse passer à travers la barrière hémato-encéphalique pour entrer dans le cerveau, lieu de la synthèse de cette sérotonine centrale.

2- Les obstacles empêchant l’entrée du tryptophane dans le cerveau

Détachement de l’albumine

Dans le sang, le tryptophane est pris en charge par un transporteur : l’albumine qui le conduit jusqu’au cerveau. Il doit alors se détacher de ce transporteur afin de traverser la barrière hémato encéphalique (barrière entourant le système nerveux central) et d’entrer dans le cerveau.

Pour favoriser son détachement de l’albumine, plusieurs stratégies existent : L’activité physique, la sexualité et la consommation de gras favoriseront cette opération (ainsi que le lithium). C’est ainsi que le sport augmente la sécrétion de sérotonine, un des facteurs responsables du bien-être ressenti pendant l’activité physique. Certains grands addicts au sport sont de grands déficitaires de sérotonine qui dès lors seront bien équilibrés par le sport. Lorsqu’ils doivent arrêter leur activité physique pour blessure ou autre, ils sont parfois très irritables, impatients et parfois même aggressifs ….D’autres trouveront une autre compensation en se jetant sur la nourriture !

En compétition pour l’entrée dans le cerveau!

Une fois détaché de l’albumine, le tryptophane emprunte un autre transporteur (sorte de porte d’entrée) pour passer la barrière hémato-encéphalique (BHE) et entrer dans le cerveau, lieu de la synthèse de sérotonine centrale. Le tryptophane doit « partager cette porte d’entrée » avec d’autres acides aminés compétiteurs, notamment ceux qu’on appelle les acides aminés branchés et la tyrosine. Plus ces acides aminés seront présents « à la porte », moins le tryptophane pourra rentrer dans le cerveau.

Ces acides aminés branchés sont présents en grande quantité dans les protéines animales. Ainsi la consommation de viandes, charcuteries (et dans de moindre proportion : les poissons, les œufs et produits laitiers) apportera de grandes quantités d’acides aminés branchés au niveau du transporteur de la BHE, limitant l’entrée du tryptophane dans le cerveau. Pour rappel, nous avons besoin de sérotonine en fin de journée. Pour améliorer sa synthèse, nous devons caler notre rythme nutritionnel sur notre rythme biologique : il est alors judicieux d’éviter les protéines animales à ce moment de la journée. Ce type d’approche porte le nom de chronobiologie alimentaire. En cas de déficit de sérotonine, privilégiez un dîner végétalien pour faciliter l’entrée du tryptophane dans le cerveau. Votre soirée sera alors plus zen et votre sommeil plus profond !

D’autres stratégies permettent de détourner les acides aminés compétiteurs du tryptophane et donc de laisser la porte totalement disponible pour l’entrée du précurseur de la sérotonine dans le cerveau. Ces stratégies consistent à faire monter notre taux d’insuline. L’insuline, hormone produite en réponse à l’augmentation du taux de « sucre » dans le sang, détournera les acides aminés branchés de notre cerveau. Ils seront alors moins nombreux à se bousculer aux portillons et le tryptophane entrera plus facilement dans le cerveau. Ainsi, la consommation d’aliments glucidiques entraîne une augmentation de la sérotonine. Ceci explique les compulsions alimentaires de fin de journée de types sucrées ressenties par les personnes souffrant de déficit de sérotonine. Le problème c’est que ces compulsions nous dirigent vers des aliments de type « sucres rapides » augmentant rapidement l’insuline donc la sérotonine (d’où un sentiment de mieux être) mais cette augmentation trop rapide sera suivie d’une hypoglycémie réactionnelle donc d’une chute de l’insuline et de sérotonine. Cette chute expliquera alors le changement d’humeur, l’irritabilité et de nouveau les compulsions alimentaires entretenues par la consommation de « sucres rapides ».

En revanche, nous pouvons utiliser cette stratégie d’une manière plus raisonnée : Prendre un goûter vers 17 heures (heure du pic de sécrétion de sérotonine pour respecter notre chronobiologie) contenant des sucres lents. Ceux-ci permettront de faire monter doucement et durablement l’insuline, entraînant une augmentation stable et durable de la sérotonine jusqu’en début de soirée permettant une humeur plus sereine, une meilleure maîtrise du stress, un meilleur contrôle des compulsions alimentaires et une bonne synthèse de mélatonine nocturne ! Ca fait rêver non ? Donc vers 17 heures, consommez quelques oléagineux accompagnés de chocolat noir ou d’un fruit !

3- Déficits micronutritionnels de cofacteurs indispensables à la synthèse de sérotonine

Par ailleurs, une fois rentré dans le cerveau, le tryptophane doit être transformé en sérotonine, pour cela il aura besoin d’un bon niveau de magnésium, vitamine B9, B12, de Zinc et de Fer. Si un seul manque, la synthèse sera limitée. Un statut optimal en vitamines et minéraux est alors indispensable.

4- Difficultés de communication neuronale par insuffisance de fluidité membranaire

Enfin, comme pour tout neurotransmetteur, pour être efficace, la sérotonine produite à besoin d’être bien déversée dans la fente synaptique (espace entre 2 neurones) et bien réceptionnée par le neurone postsynaptique pour véhiculer son « message de bien-être ».

Pour cela des membranes neuronales souples sont indispensables ! Ces membranes sont constituées de grandes quantités d’acides gras (=les graisses). Les acides gras permettant d’avoir des membranes cellulaires bien souples sont les acides gras insaturés et tout particulièrement les omégas 3. Alors usons et abusons des bonnes huiles végétales riches en oméga 3 (colza, lin, cameline) et des petits poissons gras (sardines, maquereaux, anchois, hareng).

Et puisque nous ne pouvons pas évoquer les omégas 3 sans parler des antioxydants, je rajouterais simplement un mot pour dire que ces acides gras sont magiques à condition qu’ils ne soient pas oxydés par les radicaux libres ! Pour cela une alimentation riche en anti oxydants est indispensable ! Remplissez vos assiettes de couleurs ! Les fruits et légumes les plus colorés sont souvent les plus riches en antioxydant et polyphénols ! Favorisez une alimentation biologique ou raisonnée, abusez des aliments tel que thé vert, curcuma, gingembre, aromates, chocolat noir, baies, légumes feuilles vertes ! Une étude a même démontré que l’optimisme était corrélé au taux de caroténoïde sanguin ! Le Docteur Coudron vous dirait : « Ma grand-mère avait raison ! « Les carottes, ça rend aimable » ! »

Vous avez dès lors compris qu’une bonne synthèse de sérotonine est loin d’être gagnée d’avance. Une bonne maîtrise et compréhension des voies biochimiques menant à sa synthèse est nécessaire afin de lever tous les freins responsables de son déficit. Ceci passera par la mise en place d’un protocole nutritionnel chronobiologique ainsi qu’une complémentation alimentaire adaptée, précise et individualisée en fonction de votre clinique et de votre biologie.

En vous souhaitant une belle sérénité,

Naturellement Votre 😉

Guénaelle Abéguilé, Consultante et formatrice en Santé Fonctionnelle, co fondatrice de DFM Formations